Une fracture des malléoles, qu’on appelle aussi fracture bimalléolaire, peut faire peur lorsqu’on voit ce mot apparaître sur une radio ou un compte-rendu. Pourtant, c’est une blessure que je rencontre assez régulièrement au cabinet, souvent après une chute ou une torsion importante de la cheville.
Faut-il forcément opérer ? Peut-on guérir sans chirurgie ? Combien de temps dure la consolidation ? Et que se passe-t-il ensuite, en rééducation ?
✅ Dans cet article, je vous explique tout ce qu’il faut savoir sur cette fracture : comment elle se traite, ce que vous pouvez attendre en termes de guérison, et comment vous préparer à une récupération efficace.
Mon but, en tant que kiné, est de vous apporter des repères clairs pour que vous puissiez comprendre ce que vous avez, poser les bonnes questions à vos soignants, et avancer avec confiance dans votre parcours de soin. 🙂
Qu’est-ce qu’une fracture des malléoles ?
La cheville est formée de trois principaux os : le tibia, la fibula (ou péroné), et le talus (astragale). À l’extrémité inférieure du tibia et du péroné se trouvent deux petites structures osseuses qu’on appelle les malléoles :
- La malléole interne (partie du tibia), visible sur le bord intérieur de la cheville ;
- La malléole externe (partie de la fibula), située à l’extérieur.
Une fracture des malléoles signifie que l’un ou les deux de ces os ont été cassés. Lorsqu’une seule malléole est touchée, on parle de fracture uni-malléolaire. Quand les deux sont concernées, il s’agit d’une fracture bimalléolaire — celle dont on parle ici. Parfois, une troisième zone située à l’arrière du tibia peut aussi être fracturée : on parle alors de fracture trimalléolaire.
📌 Ces fractures sont généralement causées par une torsion importante de la cheville, un faux mouvement, une chute ou un choc direct. Elles nécessitent toujours une évaluation par imagerie pour déterminer la gravité, le déplacement éventuel, et le traitement adapté.

Quels sont les signes d’une fracture des malléoles ?
Les symptômes d’une fracture des malléoles dépendent de la gravité du traumatisme, mais certains signes sont quasi systématiques :
- Une douleur vive au niveau de la cheville, aggravée par le moindre mouvement ;
- Un gonflement important, souvent accompagné d’un hématome (bleu) ;
- Une difficulté, voire une impossibilité de marcher ou de poser le pied au sol ;
- Parfois, une déformation visible de la cheville, qui peut indiquer un déplacement des fragments osseux.
📌 Ces signes doivent faire suspecter une fracture, mais ne permettent pas à eux seuls d’en évaluer la gravité. Une radiographie est indispensable pour confirmer le diagnostic et visualiser précisément l’atteinte osseuse.

Faut-il toujours opérer une fracture des malléoles ?
On pourrait penser qu’il existe une réponse simple à cette question. Pourtant, dans la réalité, la décision d’opérer une fracture bimalléolaire dépend de plusieurs éléments, tant physiques que personnels.
Lorsqu’on aborde une blessure de ce type, il est essentiel de considérer l’ensemble du contexte du patient : son âge, son niveau d’activité, ses antécédents médicaux… mais aussi son vécu, ses craintes et ses objectifs.
🎓 Lors de nos études en kinésithérapie, on nous apprend à analyser chaque situation selon une approche bio-psycho-sociale. En d’autres termes, on ne regarde pas uniquement les os cassés, mais aussi la personne dans sa globalité.
👉 Voici les principaux critères pris en compte pour décider d’une chirurgie :
- Le déplacement des fragments osseux : si les os sont mal alignés, une opération est souvent nécessaire pour les repositionner correctement.
- Une instabilité articulaire persistante : la cheville ne tient pas bien, même immobilisée. La chirurgie peut permettre de rétablir la stabilité.
- Une articulation incongruente : lorsque les surfaces articulaires ne s’emboîtent plus comme avant, cela peut provoquer une usure prématurée.
- Des facteurs liés au patient : état de santé général, niveau d’autonomie, préférences personnelles… Tout cela influence la décision finale.

Quelle opération pour une fracture bimalléolaire ?
Lorsqu’une fracture bimalléolaire nécessite une chirurgie, l’objectif est clair : il s’agit de réaligner les os et stabiliser l’articulation pour favoriser une bonne consolidation. Cela concerne la plupart des fractures des malléoles déplacées, c’est-à-dire quand les fragments osseux ne sont plus en place naturellement.
Quels matériels utilise-t-on lors de l’opération ?
- Des vis, des plaques ou parfois un fixateur externe sont utilisés pour maintenir les os correctement alignés.
- Dans certains cas, une vis temporaire est placée entre le tibia et la fibula pour stabiliser l’ensemble. Cette vis est retirée quelques semaines plus tard, souvent entre 6 à 8 semaines post-opératoire.

📌 En général, les dispositifs posés sont bien tolérés et laissés en place à long terme. Toutefois, s’ils provoquent une gêne ou des douleurs, leur retrait est possible une fois la guérison bien avancée.

Quels sont les risques d’une opération pour une fracture des malléoles ?
Comme toute intervention chirurgicale, le traitement d’une fracture bimalléolaire n’est pas sans risques. Bien que ces complications restent rares, il est important de les connaître avant de se décider. Voici les principaux effets indésirables possibles :
- Infection au niveau de la cicatrice ou autour du matériel.
- Hématome post-opératoire.
- Cicatrisation lente ou problématique.
- Douleur persistante, parfois plusieurs mois après l’opération.
- Raideur articulaire, surtout si la rééducation est retardée.
- Réactions à l’anesthésie (comme pour toute opération).
- Non-consolidation (rare, mais possible si la fracture est instable ou mal vascularisée).
📌 Ces risques ne doivent pas être une source d’angoisse : ils sont connus, surveillés, et pris en charge rapidement si nécessaire. N’hésitez pas à en discuter avec votre chirurgien pour comprendre les bénéfices et les précautions propres à votre cas.
Peut-on guérir d’une fracture bimalléolaire sans opération ?
Il n’est pas toujours nécessaire d’opérer une fracture bimalléolaire. Dans certains cas, elle peut guérir avec un traitement conservateur, sans chirurgie. Cela dépend de plusieurs facteurs :
- Si la fracture est stable, sans déplacement significatif des fragments osseux ;
- Si l’articulation reste bien congruent et fonctionnelle ;
- Si votre état de santé contre-indique une opération ;
- Ou si vous préférez éviter la chirurgie après discussion avec l’équipe médicale.
📌 Le traitement repose alors sur une immobilisation stricte de la cheville, avec :
- un plâtre (souvent sans appui),
- une botte de marche (parfois avec appui autorisé),
- ou une attelle, selon la décision du chirurgien.
🦶 L’appui complet n’est pas toujours autorisé immédiatement. Il est parfois nécessaire d’attendre la radiographie de contrôle vers 6 semaines, pour vérifier que la consolidation osseuse se passe bien.
Même sans chirurgie, la rééducation jouera un rôle clé dans la récupération : mobilité, stabilité, renforcement et reprise des activités du quotidien.
Quelle rééducation après une fracture bimalléolaire ?
La rééducation est une étape essentielle du traitement, que la fracture bimalléolaire ait été opérée ou non. Elle commence généralement après la phase d’immobilisation, sauf dans certains cas où des exercices doux peuvent être introduits plus tôt, notamment avec une botte de marche.
Voici les grandes phases de la rééducation que je propose généralement à mes patients au cabinet :
🔹 Phase 1 : Apaiser la douleur et contrôler l’inflammation (semaines 1 à 2)
- Immobilisation avec attelle, botte ou plâtre.
- Glace, surélévation de la jambe pour limiter le gonflement.
- Pas d’appui sans autorisation médicale.
🔹 Phase 2 : Mobilisation douce et travail passif (semaines 3 à 6)
- Début des séances de kiné.
- Mobilisations articulaires douces.
- Soins de cicatrice si chirurgie.
- Activation des muscles alentours pour limiter la fonte.
🔹 Phase 3 : Renforcement progressif (semaines 7 à 12)
- Exercices actifs contre résistance.
- Travail de stabilité (cheville/genou).
- Reprise de la mise en charge et de la marche si autorisée.
- Marche en extérieur, escaliers.
Dès que l’appui est autorisé par le médecin ou le chirurgien, la reprise de la marche devient la priorité absolue.
📌 Une marche fluide, symétrique et sans boiterie est bien la moitié du travail de rééducation : elle mobilise la cheville, renforce les muscles, améliore la proprioception et donne confiance au patient. Au cabinet, j’insiste toujours auprès de mes patients : “Dès que vous avez le feu vert pour l’appui, il faut marcher au maximum.”
🔹 Phase 4 : Réathlétisation et retour aux activités (à partir de la semaine 13)
- Travail de l’équilibre, des appuis, de la coordination.
- Exercices fonctionnels adaptés à la vie quotidienne ou au sport.
La marche prolongée en extérieur est progressivement augmentée. On travaille la stabilité sur terrain irrégulier, les transitions debout-assis, les escaliers. Cette phase permet aussi d’identifier les dernières compensations (boiterie, appréhensions).
📌 Même si le protocole varie selon les cas, la régularité des séances et la progressivité sont les clés d’une récupération efficace.

Combien de séances de kiné après une fracture bimalléolaire ?
Le nombre de séances de kinésithérapie peut varier selon la gravité de la fracture, la durée d’immobilisation, votre âge, et vos objectifs.
📌 En général, la rééducation débute autour de la 3ᵉ semaine, parfois plus tôt si une botte de marche a été prescrite avec appui autorisé.
Voici le rythme que je recommande souvent à mes patients :
- Phase initiale (semaines 3 à 6) : 3 à 4 séances par semaine pour limiter la fonte musculaire, réduire la raideur, et commencer à mobiliser doucement.
- Phase intermédiaire : 2 à 3 séances par semaine selon la progression.
- Phase de reprise fonctionnelle : 1 à 2 séances ciblées sur la marche, l’équilibre, et le retour aux activités.
🎯 L’objectif n’est pas de faire “beaucoup” de séances, mais de les faire au bon moment, avec des exercices adaptés et progressifs. Une rééducation bien structurée permet souvent de retrouver une bonne autonomie en 8 à 12 semaines, même après une fracture opérée.

Combien de temps faut-il pour guérir d’une fracture bimalléolaire ?
Quand on parle de “guérison” d’une fracture bimalléolaire, on distingue deux choses :
- D’un côté, la consolidation osseuse, c’est-à-dire le moment où les os sont réparés et soudés ;
- De l’autre, la guérison fonctionnelle, qui correspond au moment où vous avez récupéré assez de mobilité, de force et de stabilité pour marcher et vivre normalement.
En moyenne, voici les délais observés selon le traitement reçu :
- Après opération ou immobilisation avec botte de marche : la consolidation prend environ 6 à 8 semaines ;
- Après un traitement par plâtre sans chirurgie : comptez plutôt 8 à 12 semaines.
⚠️ Attention : la récupération complète ne se limite pas à l’os. Il faut souvent plusieurs semaines supplémentaires pour retrouver une cheville fonctionnelle. C’est là que la rééducation prend tout son sens.
💬 Au cabinet, je dis souvent à mes patients : “L’os peut être consolidé en deux mois… mais c’est souvent vers le troisième ou quatrième mois que vous retrouvez un vrai confort de marche.”
Quand peut-on remarcher après une fracture des malléoles ?
La reprise de la marche dépend du type de traitement et du délai de consolidation osseuse. Voici ce que l’on observe généralement :
- Après une opération ou un traitement avec plâtre, il faut souvent attendre 3 à 4 mois avant de retrouver une marche normale ;
- Sans opération, et avec une immobilisation plus souple (botte de marche avec appui partiel), la reprise est parfois possible dès 2 à 3 mois.
✅ Dès que l’appui est autorisé, la marche devient l’objectif numéro 1 de la rééducation. Une marche fluide, sans boiterie, engage l’ensemble du système locomoteur et représente une grande partie de la récupération fonctionnelle.
📌 Chaque cas est unique : l’appui peut être autorisé très tôt (avec botte de marche), ou bien reporté (plâtre sans appui). Une radio de contrôle est souvent demandée vers la 6e semaine pour valider cette étape clé.
🔜 Pour aller plus loin sur ce sujet, je prépare un article dédié : “Combien de temps pour remarcher après une fracture de la malléole ?” — vous y trouverez toutes les réponses 😉.
En bref : Temps de guérison après une fracture bimalléolaire
Type de traitement | Consolidation osseuse | Reprise de la marche normale | Guérison fonctionnelle complète |
---|---|---|---|
Opération (plaque + vis) | 6 à 8 semaines | 3 à 4 mois | 4 à 6 mois |
Plâtre sans chirurgie | 8 à 12 semaines | 3 à 4 mois | 4 à 6 mois |
Botte de marche avec appui précoce | 6 à 8 semaines | 2 à 3 mois | 3 à 5 mois |
📌 Ces délais sont des moyennes. Ils varient selon l’âge, l’état de santé, la qualité de la rééducation et les éventuelles complications.
Conclusion : fracture bimalléolaire, opération ou pas ?
La fracture bimalléolaire est une blessure sérieuse, mais avec un bon suivi médical et une rééducation bien conduite, la récupération peut être très satisfaisante. L’opération n’est pas systématique : tout dépend de la stabilité de la fracture, de l’alignement osseux, et de votre situation personnelle.
👉 Que vous soyez opéré ou non, la rééducation jouera un rôle majeur, avec un objectif central : retrouver une marche fluide, stable, sans douleur.
Soyez patient(e), rigoureux(se), et n’hésitez pas à poser vos questions à votre kiné ou votre chirurgien. Mieux comprendre, c’est déjà mieux guérir.
FAQ : fracture des malléoles
🔸 Ma cheville reste gonflée : est-ce normal ?
Oui, c’est une inquiétude fréquente. Après une fracture bimalléolaire, le gonflement peut persister plusieurs semaines, voire plusieurs mois, sans que cela soit anormal. Le gonflement est souvent le dernier symptôme à disparaître, parfois jusqu’à 9 mois après le traumatisme.
👉 En revanche, si le gonflement s’aggrave soudainement, devient très rouge, chaud ou douloureux, consultez rapidement votre médecin.
🔸 J’ai encore mal plusieurs semaines après : inquiétant ?
Non. La douleur après fracture évolue rarement de manière linéaire. Des douleurs intermittentes sont courantes, notamment pendant la rééducation ou lors d’efforts inhabituels. Cela peut être lié à une inflammation persistante, à la fatigue musculaire ou à des tissus encore sensibles. Si la douleur devient intense ou vous empêche de progresser, parlez-en à votre kiné ou votre médecin.
🔸 Quand pourrai-je reprendre le sport ?
La reprise du sport dépend de votre évolution, de votre niveau de base et du type de sport. En général, elle se fait entre 4 et 7 mois après la fracture. On attend généralement que la marche soit fluide, la force musculaire retrouvée, et la cheville stable avant de réintroduire la course, les sauts ou les changements d’appuis.
🔸 Puis-je télétravailler avec une fracture bimalléolaire ?
Oui, dans la majorité des cas. Il faut adapter votre poste de travail : surélever la jambe et prévoir des pauses régulières.
💻 Le télétravail est souvent une solution temporaire idéale pendant les premières semaines de récupération.
Sources scientifiques et médicales 📚
- Cochrane Database of Systematic Reviews (2021)
Surgical versus non‐surgical interventions for treating ankle fractures in adults
https://www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD014930/full - JOSPT (2014)
Physical Function Recovery Following Ankle Fracture: A Prospective Cohort Study
https://www.jospt.org/doi/10.2519/jospt.2014.5199 - JOSPT (2014)
Early Ankle Motion Versus Immobilization After Surgery for Ankle Fracture
https://www.jospt.org/doi/10.2519/jospt.2014.5294